L'hypersensibilité: une force ou un fardeau?

Dans l'écho des souvenirs de mon enfance résonne un refrain familier : "On va en faire une pleureuse en Italie." Une phrase qui, pendant des années, a accompagné mes journées, souvent ponctuées de larmes. À tel point que lorsque mes frères et sœurs annonçaient à ma mère qu'une journée s'était écoulée sans un seul sanglot de ma part, elle répondait avec prudence : "Attendons, la journée n'est pas encore terminée !" Et la suite lui donnait raison.

Une enfance rythmée par les larmes, une sensibilité débordante qui m'a longtemps laissée me demander si j'étais normale.

Dans cet article, j'aborde l'exploration d'un vaste sujet : l'hypersensibilité.

Handicap ou super-pouvoir ?

Ce mot à la mode, glissé dans notre quotidien, est souvent utilisé à tort et à travers.

Je vais vous partager mon expérience, avec mes propres mots et surtout avec mon ressenti. 

Quand les larmes deviennent un langage

Que ce soit devant un film, plongée dans la lecture d'un livre captivant ou visionnant une vidéo sur mes réseaux sociaux, je suis souvent émue jusqu'aux larmes. Mais ce n'est pas seulement la fiction qui me touche. Une œuvre d'art, une mélodie envoûtante, voire une simple anecdote, peuvent déclencher en moi une cascade d'émotions. Je suis une hypersensible, à fleur de peau, incapable de rester indifférente face à la détresse d'autrui. Adolescente, je tentais de dissimuler cette sensibilité, comme si c'était une faiblesse. Mais aujourd'hui, je l'assume pleinement.

J'ai fait de cette hypersensibilité une force, une marque de fabrique, ma spécialité. Photographe spécialisée dans l'émotion, mes clichés ne sont pas toujours techniquement parfaits, car la technique m'intéresse peu. Je recherche ce qu'il se passe à l'intérieur de vous, au-delà des apparences. Dans mes échanges, je peux passer des heures à parler avec une personne, sans pouvoir ensuite donner la couleur de ses cheveux. Je ne la vois pas, je la ressens.

Pour moi, tout est question d'énergie, de vibration, de sens...

Les couleurs de l'émotion

J'ai eu le privilège de couvrir plus d'une centaine de mariages au cours de ma carrière, chacun porteur de son lot d'émotions. Étrangement, il semblerait que mes larmes aient bien souvent fait partie intégrante de la célébration, car près de 70% de ces événements ont réussi à me faire pleurer. Les moments de bonheur, d'émotion et d'amour partagés durant ces célébrations m'atteignent au plus profond de mon être. 

Lorsqu'il s'agit de baptêmes, je ressens souvent le besoin de me préparer émotionnellement en assistant à la messe qui précède la cérémonie. Cela me permet de m'imprégner de l'atmosphère et de libérer un peu de cette émotivité débordante. Pourtant, il ne s'agit pas seulement des événements marquants de la vie.

Une simple bonne nouvelle peut déclencher en moi un torrent de larmes de joie.

Et lorsque je rentre chez moi après un week-end, découvrir les petits post-it parsemés dans l'appartement par mon fils, sur lesquels sont écrits des "je t'aime" en quantité, ne manque jamais de m'arracher quelques larmes.

De l'hypersensibilité à l'équilibre : ma stratégie pour préserver mon bien-être

 Il y a des jours où je me demande sérieusement si je ne me suis pas trompé de planète. Je ressens un décalage total avec ce monde qui m'entoure, et en même temps, je suis bien plus sensible à ce qui s'y passe.

"Ressentir" est le maître-mot : chaque émotion, chaque stimulus semble me frapper de plein fouet, parfois de manière violente. C'est pourquoi, il y a une dizaine d'années, j'ai pris la décision radicale de ne plus regarder la télévision, en particulier les informations. Pour préserver mon bien-être et mon équilibre, j'ai éliminé de ma vie tout ce qui est anxiogène. En somme, j'ai réorganisé mon mode de vie pour l'adapter à ma sensibilité particulière.


 L'hypersensibilité peut être considérée comme un obstacle, mais j'ai eu la chance, (ou peut-être la lucidité), d'en faire une force, tant dans ma carrière que dans ma vie personnelle. Véritable don du ciel, bien que parfois énergivore, si l'on sait se protéger, on peut traverser ces tempêtes émotionnelles avec sérénité. J'évite certaines situations, ou même certaines personnes, dès que je sens qu'elles menacent mon équilibre intérieur.

Mon ami et confrère David, également hypersensible, a lui-même acheté un badge indiquant son niveau d'énergie. J'adore l'idée!

Je considère ma solitude comme un besoin essentiel.

Je fais beaucoup de choses pour mon bien-être, et je les fais seule.

C'est une étape importante dans ma quête d'équilibre et de paix intérieure.

Embrasser sa différence pour rayonner

Comme tout handicap, je suis persuadée que si on s'accepte tel que l'on est et qu'on adapte sa vie en fonction de cette caractéristique, la vie peut en être sacrément enrichie!

Parce qu'on parle des émotions, mais n'oublions pas que l'hypersensibilité ne se traduit pas uniquement de cette façon.

En réalité, tous nos sens sont décuplés. On ne vit pas les expériences comme tout le monde, on est "plus" dans tous les domaines!

Être hypersensible est un super pouvoir, et on vit dans un monde où la plupart des gens ont besoin de tout normaliser. Je suis convaincue qu'il est important de résister, de prendre conscience qu'il s'agit là d'un véritable cadeau.

Accueillez-le comme tel si vous vous êtes reconnu(e) dans mon récit, parce que lutter contre ne sert à rien, et va vous rendre malheureux. Nous ne sommes pas malades, nous sommes juste différents, et ce sont les différences qui constituent la richesse de ce monde.

Il y a eu une époque où on disait aux petits garçons qu'un homme ne pleure pas, alors qu'aujourd'hui on constate qu'un homme qui assume sa vulnérabilité devient alors super séduisant. Les temps changent, et les consciences avec.

Apprendre et comprendre qui on est, nous aide à vivre mieux avec nos particularités, et c'est très bien.

Il faut rester à l'écoute, pas de l'image que l'on peut renvoyer aux autres, non. Seulement de l'estime que l'on peut avoir de nous-mêmes.

Je n'ai jamais oublié cette petite phrase que j'ai entendue toute mon enfance. Elle fait partie de moi.

Pour autant, je le vis bien et je m'en sers chaque jour dans mon métier.

Je permets à mes clients de le vivre en exprimant leurs émotions à l'aide de mes techniques, et ils s'aiment et se trouvent beaux sur mes images.

C'est donc bien que la vulnérabilité rend irrésistible, non ?

Un chemin vers l'acceptation

Crédit photo: Yannick Faure
Crédit photo: Yannick Faure

Depuis mon enfance, j'ai fréquenté des psychologues, des guides précieux dans l'exploration de mon hypersensibilité. Leur expertise m'a permis de mieux comprendre cette sensibilité exacerbée et de développer des outils pour gérer mes émotions de manière saine et constructive.

En comprenant mes ressentis, j'ai progressivement appris à respecter mes limites, à éviter les situations ou les personnes qui peuvent me perturber, et à me protéger lorsque nécessaire.

Cette prise de conscience m'a offert un sentiment de contrôle et d'assurance, me permettant de naviguer avec plus de facilité à travers les hauts et les bas de la vie. Grâce à ce cheminement, j'ai également réalisé que l'hypersensibilité n'est pas un signe de faiblesse, mais plutôt un aspect unique de ma personnalité.

En acceptant pleinement qui je suis et en apprenant à apprivoiser ma sensibilité, j'ai trouvé un équilibre intérieur et une paix d'esprit que je n'aurais jamais cru possible.

Aujourd'hui, je sais que la clé réside dans la connaissance de soi et dans l'acceptation de sa propre singularité.

 

Je souhaite partager cette leçon avec ceux qui se reconnaissent dans mon parcours, les encourageant à embrasser pleinement leur hypersensibilité et à trouver leur propre chemin vers l'épanouissement personnel.

J'espère que cet article vous a permis de mieux comprendre l'hypersensibilité, et peut-être même de l'appréhender sous un jour nouveau.

Rappelez-vous que nous ne sommes pas fous, mais simplement différents.

Écrire commentaire

Commentaires: 0